Le trissage

Inspirations et expérimentations

Le trissage n’est ni tout à fait tissage, ni tout à fait tressage, mais un peu des deux.

Comme le tissage, comme le tressage, le trissage est un agencement constitué d’entrelacements.

Le tissage se fait sur un métier à tisser, dans un cadre, dans lequel des fils, appelés fils de chaine sont tendus. Les fils de trame seront entrecroisés dans la chaine afin de constituer l’ouvrage. Le cadre est alors comme un exosquelette provisoire, permettant de maintenir des fils en tension le temps du tissage.

Le tressage, utilisé dans la réalisation de paniers en osier, nécessite le plus souvent la création d’un fond, traverses assemblées en étoile (la croisée) et maintenue par des brins (ligatures), puis structurés autour de montants enfilés dans le fond. Ce fond et ces montants constituent, en quelque sorte, le squelette du panier. On peut donc distinguer les brins de structure et des brins de remplissage.

Le trissage se passe de squelette comme d’exosquelette.

Le trissage ne nécessite pas de structure, pas de cadre pour tendre des fils, ni de brins qui forment un squelette. Il ne distingue plus les fils de chaine des fils de trame, les brins structures des brins de remplissage. Il ne distingue plus le structurant du structuré, l’ossature de la chair, le corps de l’esprit.

Le trissage est un mouvement qui unifie la structure et la chair, une dynamique de réunification, un geste de concentration.

Le trissage va du carré vers le cercle. Le carré est le fond du panier, le cercle le haut du panier.

Le carré représente la terre. Il indique les quatre points cardinaux, les quatre directions qui structurent la manière dont nous nous représentons l’espace et en cela organisons le monde. Le carré est l’espace sur lequel nous vivons, nous marchons, nous organisons les contingences matérielles.

Le carré

Le cercle représente le ciel. C’est la dimension céleste. La contemplation, l’exploration spirituelle, les aspirations de l’esprit, notre ciel intérieur. Le cercle est l’espace où nous rêvons.

Ici le cercle et le carré ne sont plus séparés, ils vont l’un vers l’autre, ils sont les deux pôles d’un même panier.

La géométrie a déclaré insoluble la quadrature du cercle, ou la transformation géométrique d’un carré en un cercle de même superficie. La quête de la quadrature du cercle raconte une recherche de l’harmonie entre le terrestre et le céleste.

Le trissage est une façon de résoudre cette énigme : ce mouvement transforme le carré en un cercle de même surface. C’est la souplesse de la plante, la structure du tressage, brins tendus qui s’articulent autour des interstices, qui permettent cette résolution.

Les motifs

L’hirondelle que l’on voit toujours voler entre terre et ciel, semble ne jamais se poser, n’être que mouvement et ses déplacements racontent les saisons et annoncent les variations du temps. On dit de l’hirondelle qui chante, qu’elle trisse.

Ici le motif de l’hirondelle est emprunté à l’iconographie des tressages réalisés par les amérindiens d’Amazonie. Il est nommé « malapi » par les wayana de Guyane qui le font apparaitre au rythme du tressage des brins d’arouman et racontent qu’il représente aussi un être surnaturel.

malapi

Il y a bien d’autres motifs qui auraient pu symboliser le trissage.

Le motif du serpent puisque le mouvement de l’éclisse d’arouman que l’on prépare ressemble à celui du serpent qui glisse sur les grandes feuilles des sous-bois. Le serpent est aussi l’anaconda mythique qui aurait permis aux humains de copier les motifs représentés sur sa peau.

Le motif du poisson atipa dont les écailles rappellent l’entrelacement des brins.

L’important est qu’entre la terre et le ciel, les brins tissés laissent apparaitre leurs motifs.

Le trissage est un mouvement des mains qui relie la terre et le ciel, un geste de l’esprit qui révèle les dessins, l’enseignement de vanniers qui transmettent leur compréhension du monde.

Le trissage est un voyage initiatique, une invitation à un regard différent sur le monde, un agencement complexe de symboles,  une matrice de l’imaginaire.

L’arouman

Ischnosiphon arouma
Ischnosiphon arouma

L’arouman est une canne qui pousse dans la majeure partie du bassin amazonien. Elle y est utilisée par de très nombreuses populations. Elle sert à la fabrication de divers paniers, de hottes de portage, de tamis, de coffres de voyage, et d’un ustensile unique appelé en Guyane « couleuvre à manioc ». C’est un tube tressé, rétractible et très solide, qui sert de presse pour extraire le jus toxique du manioc qu’ils cultivent et qui constitue la base de leur alimentation. Tous ces objets sont incontournables dans la culture matérielle de ces peuples, et au-delà sont les supports d’expression artistique avec leurs nombreux motifs ornementaux. Certains groupes racontent dans leur mythes de la création qu’un démiurge aurait tissé les humains, les oiseaux, les étoiles … avec cette plante.

Un article sur la vannerie guyanaise :
http://www.une-saison-en-guyane.com/article/culture/vanneries-amerindiennes-de-guyane-des-usages-et-des-symboles/

Vanneries

Quelques expérimentations tissées ou tressées

Couleuvres à manioc
Couleuvres à manioc : mini-couleuvre traditionnelle en arouman et la version plastique

La mini couleuvre d’apprentissage en arouman (ou tipiti), a été fabriquée sous la direction bienveillante de Dona Dulcé, Alter Do Chao, Brésil. La version plastique a été tressée à partir de bandelettes tirées de bouteilles plastiques. L’idée était de faire de la presse à manioc en arouman, une essoreuse à linge en plastique recyclée.

Tipiti vu de l'interieur
L’oeil du tipiti

Paniers, tipiti et maracas. Vanneries en arouman réalisées au Brésil, vanneries en papier à Paris

Tressage à platà plat
Tissage en papier – Recherche sur les couleur pour un effet 3D avec des lunette Chromadepth

Tissage en papier
Panier de papier

Panier de papier

Bandelettes de papier